Cadre juridique et institutionnel de l’intégration du genre en Algérie
Plusieurs stratégies, programmes et mécanismes ont été
conçus en Algérie pour promouvoir l’égalité des sexes et
favoriser l’autonomisation des femmes parmi lesquels
nous citons la stratégie nationale pour l’intégration et la
promotion de la femme (2008-2014) et son plan d’action
multisectoriel qui consistait à la mise en place de points
focaux genre dans tous les secteurs concernés et la mise
en place de programme d’autonomisation des femmes à
travers la promotion de l’emploi.
La stratégie nationale de renouveau agricole et rural et
celle du développement rural durable et ses dispositifs
élaborés par le Ministère de l’Agriculture du Développement
Rural et de la Pêche (MADRP) (2008-2014), qui
reposaient sur une démarche participative qui s’adressent
aux hommes comme aux femmes sans discrimination
mais sans la mise en place de mesures spécifiques en
faveur de l’intégration de la dimension Genre.
Les normes sociales concernant la masculinité et la féminité
et les rapports Genre ainsi que l’orientation et l’identité
de Genre dans la société algérienne en voie de modernisation,
demeurent selon la perception d’une grande
partie de la société patriarcale malgré des changements
qualitatifs notamment dans les grandes villes.
Il existe une résilience de pratiques de droit coutumier et
le code de la famille renferme encore des aspects jugés
discriminatoires dans la distribution de responsabilité Homme/
Femme donnant prédominance de l’homme.
Cadre juridique de la biodiversité et l’intégration du Genre
Le cadre juridique relatif à l’environnement et à la biodiversité
(textes, décrets et instructions) couvre relativement
l’ensemble des domaines de gouvernance et de
pilotage du secteur, mais ce que nous déplorons est une
absence presque quasi-totale de la dimension Genre
dans ces textes.
Le cadre réglementaire de la biodiversité ne traite pas
directement de la dimension Genre dans les textes.
Cependant, il existe une batterie de textes relatifs à la
promotion de la dimension Genre d’une manière générale.
Contexte général du projet
Depuis la chute des cours du pétrole à partir de l’année
2014, l’Algérie, qui dépend des exportations de pétrole et
de gaz (plus de 98 % des recettes d’exportation en 2014),
a mis en place une nouvelle stratégie de diversification
économique qui a donné émergence a de nouveaux
secteurs économiques et chaînes de valeur. Cela inclut
également les lignes de produits agricoles et les produits
à base de plantes aromatiques et médicinales (PAM).
Le projet « Gouvernance Environnementale et Biodiversité
« GENBI » à travers sa composante « mise en valeur des
ressources biologiques » lancé en 2014 et mis en oeuvre
par le Ministère de l’Environnement et des Energies
Renouvelables en partenariat avec la GIZ. Etant donné
que moins de 20% des femmes sont employées en Algérie,
la promotion de la femme revêt une importance particulière.
L’une des raisons qui a poussé à axer les activités
exclusivement sur le renforcement du rôle que joue la
femme rurale dans la valorisation des ressources biologiques
et le développement de chaînes de valeur issues
de l’agro-biodiversité dans les aires protégées. Les zones
d’intervention du projet ont été choisies selon leur biodiversité
exceptionnelle et les opportunités économiques
potentielles que génère une bonne gouvernance de ces
espaces. Il s’agit du Parc National d’El Kala et le futur
Parc National du Mont de l’Edough situés respectivement
dans les les wilayas d’Annaba et El-Tarf à l’est et à
l’extrême est de l’Algérie.
Les objectifs du projet
L’organisation des femmes rurales autour de « coopératives
féminines privées » comme modèle de gouvernance des
espaces protégés et l’exploitation rationnelle et durable
des ressources biologiques et le développement de leurs
territoires, à travers ;
La promotion du savoir-faire traditionnel des femmes
et l’amélioration des procédés de production et le développement
de nouveaux produits transformés issus des
espaces naturels protégés.
La commercialisation des produits transformés issus de
l‘agrobiodiversité pour l’amélioration de la situation
économique des femmes.
Description de la démarche de mise en oeuvre du projet
Afin d’atteindre les objectifs tracés cités ci-dessus,
une feuille de route a été développée selon une
démarche participative inclusive de tous les acteurs
(femmes rurales, gestionnaires des espaces forestiers,
directions de l’environnement, chambres de
l’artisanats et des métiers, chambres de l’agriculture,
etc …).
La première phase de mise en oeuvre du projet
consistait au travail de proximité avec les femmes
rurales qui était indispensable, parce ce qu’elles
rencontrent plusieurs entraves d’ordre social et
économique liées l’accès limité à l’information, leur
niveau de mobilité réduite, le manque de formation,
les difficultés d’accès aux dispositifs de création
d’emplois, d’activités et aux financements de l’état.
Aussi, elles ne sont pas suffisamment prises en
compte dans les statistiques et donc peu visibles. En
aucun moment elles ne se croyaient actrices importantes
dans le développement durable et la protection
de son environnement à court et à long terme.
Au départ, l’idée de les intégrer dans le projet n’était
pas convaincante pour elles et aussi a suscité beaucoup
de méfiance et de rétissance de sa part et de la
part de son environnement.
Les activités réalisées sur le terrain consistaient à :
– La réalisation des études de diagnostic des filières
potentielles dans les deux zones pilotes a été
menée faisant ressortir les filières suivantes : les
huiles végétale et essentielle du pistachier
lentisque, les huiles essentielles des plantes
aromatiques et médicinales et la filière apicole.
– La réalisation des enquêtes sur le terrain auprès de
800 femmes rurales dans le but d’identifier les
femmes rurales leaders, leurs situations socioéconomiques
initiales, le savoir-faire traditionnel
détenu, les méthodes de production, les circuits de
commercialisation;
– L’identification des besoins en termes d’accompagnements
aux profits des femmes rurales et aux
administrations locale et nationale :
– Accompagnement technique des femmes rurales
à travers des formations sur les nouveaux procédés
de production, de transformation, de commercialisation
et de manipulation du matériel
technologique,
– Accompagnement technique des administrations
nationale et locale pour l’élaboration de plans
d’exploitation des ressources naturelles (cas du
pistachier lentisque) pour une gestion durable de
la ressource par les femmes pratiquant cette
activité,
.
Accompagnement administratif des femmes
rurales pour la création des coopératives,
Facilitation de commercialisation des produits des
coopératives et l’établissement de contacts avec
des clients potentiels à travers la participation à
des évènements commerciaux nationaux et internationaux.
Contraintes rencontrées lors de la création de
coopératives
Plusieurs obstacles ont entravé sa mise en oeuvre, à
savoir :
L’idée reçue relative à la considération de la
femme rurale reste toujours incapable de créer et
gérer une coopérative du fait de son contexte
socio-culturel ;
Il y avait beaucoup de réserves et de scepticisme
de la part des administrations à l’égard du modèle
coopératif parce que l’Algérie avait connu une très
mauvaise expérience des coopératives étatiques
pendant la période socialiste dont la majorité
d’entre-elles ont été dissoutes et celles qui restent
fonctionnent difficilement.
Le contexte socio-culturel des régions d’intervention
qui nous a obligé de considérer l’image traditionnelle
très conservatrice des femmes rurales,
par exemple au départ il était inadmissible pour les
femmes de participer à des cours de formation
continue sans la présence d’hommes de leurs
familles.
Le processus de création des coopératives est
généralement complexe et long.
Les autorités locales responsables de la création
des coopératives n’ont pas suffisamment rempli
leur mandat de soutien, ce qui explique pourquoi la
création des coopératives a duré si longtemps.
Les enjeux du projet environnementaux et économique
L’exploitation intensive et anarchique et intensive des
ressources naturelles des forêts a eu des effets négatifs
sur les écosystèmes locaux, par les populations locales et
les grandes entreprises qui font un usage intensif de ses
ressources.
Les deux parties exercent une grande pression et induisent
beaucoup de dégâts, d’où la nécessité d’une gouvernance
environnementale et la gestion des autorisations d’exploitation
des ressources naturelles.
Il s’agit d’une vision de développement durable, où la participation
de la femme rurale à la préservation de la forêt est
d’un grand impact pour l’augmentation de la prise de
conscience des bénéfices générés par la préservation des
espaces protégés et de l’intérêt d’adopter des comportements
responsables.
Sous l’angle de l’intention économique, le projet s’est
orienté vers la réduction de la pauvreté des populations
locales à travers la création de postes d’emploi et l’encouragement
à la création de « coopératives féminines privées ».
D’autant plus que la pauvreté dans le milieu rural pousse
les populations rurales et plus particulièrement les femmes
à exploiter les ressources forestières comme source additionnelle
pour participer au revenu du ménage.
Impacts sociaux
Ce projet est la première initiative en Algérie de son
genre lancée dans le développement du modèle de
« coopérative privé féminine » pour la valorisation
des ressources biologiques. Il a abouti à la création
de 5 coopératives privés féminines,
Le projet a permis la capitalisation des savoir-faire
locaux et des multiples usages des ressources
naturelles détenus par les femmes rurales en vue
de leur préservation,
Le recul de la résistance des membres de la famille
et des riverains est obtenu aujourd’hui par les
résultats (performance) économiques de ces
femmes qui travaillent dans les coopératives. La
dimension économique est un catalyseur de la
promotion du travail de la femme dans le milieu
rural,
Aujourd’hui, dans le village l’expérience des
coopératives est devenue une fierté des adhérentes,
de leur famille et d’une grande proportion
de gens du village.
La création des cinq coopératives créées a mobilisé
en termes d’emploi direct plus de 90 femmes,
soit une moyenne de 3 emplois indirects pour un
emploi direct (méthode du ministère de l’artisanat
pour le calcul les emplois indirects). Environ 300
emplois gravitent autour des coopératrices
Lancement de la commercialisation des produits
des coopératives à des prix beaucoup plus élevés
que les prix initiaux ; par exemple le prix moyen
d’un litre d’huile végétale de lentisque est d’environ
22 euros, contre environ 9 euros auparavant,
Amélioration considérable des revenus des adhérentes
des coopératives de + 200%/femme/ an par
rapport au gain initial.
La mécanisation des procédés de production a
influencé l’augmentation des quantités produites,
mais aussi la variété des produits proposés. De
nouvelles opportunités économiques sont
ouvertes pour les femmes rurales dans le cadre de
leurs activités entrepreneuriales.
Le projet a fait progresser de nouvelles chaînes de
valeur en Algérie potentiellement économiques, à
savoir les filières de produits suivantes: huile de
figue de barbarie et vinaigre de figue de barbarie,
les plantes aromatiques et médicinales, les huiles
essentielle et végétale du pistachier lentisque.
Impacts environnementaux
Le recours à la transmission de connaissances
élaborées (apprentissage cognitif) a permis de
changer le comportement des populations bénéfi
ciaires du projet tant au plan des processus de
cueillette des plantes, de la transformation des
produits qu’au plan du marketing.
L’appui institutionnel a été au-delà de l’administra-
tion des activités productives, il a concerné la parti
cipation politique de la femme à la cogestion de la
biodiversité, par exemple l’initiation d’un démarche
participative et inclusive d’élaboration de plans de
gestion pour l’exploitation du pistachier lentisque
dans une aire protégée.
Maintenant, les autorités nationales ont reconnu
les avantages des „coopératives privées“ comme
mécanisme pour l’exploitation durable des
ressources biologique et la gouvernance des aires
protégées.
Mesures de pérennisation
Organisation de trois grands ateliers régionaux
multisectoriels et participatifs couvrant plus de 30
wilayas afin de partager l’expérience des coopéra-
tives féminines privées comme modèle de gouvernance dans les aires protégées et pour réagir à
l’émergence de plusieurs initiatives de création de
coopératives.
Aujourd’hui en Algérie, une dynamique s’est
déclenchée pour la création de coopératives privés
et une forte demande s’est développée de part de
la société civile plus particulièrement des femmes
rurales et d’autres organisations internationales
telles que la FAO.
Le succès économique et social des femmes
rurales a attiré beaucoup d’attention dans les
médias et a donné lieu à de nombreux articles de
presse et reportages télévisés nationaux et internationaux.